Jobs to be done : une approche pour mieux comprendre ses clients

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Qu’est-ce qui nous motive à acheter ?

Cela pourrait être un bon sujet de philo, n'est-ce pas ? Beaucoup de motivations peuvent guider le choix d’un client pour acheter. Au-delà de leurs besoins, celles-ci poussent les consommateurs à l'achat. C’est au cœur de ce constat qu’est née l’approche jobs to be done, en 2007 par deux enseignants de la Harvard Business school. En effet, Clayton Christensen et Michael Raynor portent un tout autre regard sur les motivations que peut avoir un client à acheter. Ils suggèrent que les consommateurs sont moins intéressés par les produits qu’ils achètent que par les services que ces produits leur rendent. Et cette approche n’est pas nouvelle. Dans les années 1960, Theodore Levitt, un professeur de marketing de la Harvard Business School, avait déjà remarqué que « les gens n’ont pas besoin de perceuses. Ils ont besoin de trous dans leurs murs. » Si on vous parle de cette approche dans le blog de Concept Image aujourd’hui, c’est parce que cette méthodologie est complémentaire à la constitution de personas. On trouvait intéressant d’y consacrer un article et d’approfondir le sujet, dans l’optique de vous donner des clés pour faire évoluer et améliorer toujours plus vos pratiques d’expérience utilisateur.

Qu’est-ce que l'approche Jobs to be done ?

La méthode des jobs to be done est une méthodologie de définition de vos cibles. Elle va permettre de mieux comprendre les motivations profondes de vos clients. Plutôt que de s’intéresser sur le “quoi” et le “qui”, elle vient mettre en lumière le “pourquoi”. Autrement dit, cette vision vient faire le focus sur la raison pour laquelle un client veut acheter un produit ou un service, et les "tâches" qu’il a à réaliser. Et non sur ses fonctionnalités intrinsèques.

La méthode jobs to be done implique donc de s’éloigner de la notion de “besoin”, pour se concentrer sur le "travail" que souhaitent accomplir les clients, les customer jobs. Un peu comme si l’on considérait son client comme un recruteur, à la recherche du meilleur candidat (qui représenterait nos produits / services) pour accomplir un travail (le job). On se place donc du point de vue du client qui cherche le meilleur moyen possible pour réaliser la tâche qu’il doit accomplir.

Jobs to be done : concrètement, ça donne quoi ?

Voyons ensemble quelques exemples afin de mieux comprendre le concept.

Photoshop / Instagram : même combat ?

C’est un très bon exemple pour illustrer l’importance de ces fameuses tâches (les jobs). En effet, ce sont tous les deux des logiciels d’édition de photos. Cependant, ils permettent aux utilisateurs de réaliser deux tâches différentes.

Jobs to be done différents pour Photoshop et Instagram

  Les utilisateurs de smartphones prennent des photos tout le temps. Mais toutes leurs photos ne sont pas des clichés de haute qualité qui méritent des heures de montage dans Photoshop. Ils veulent que cela les aide à faire leur travail de retouches rapidement et facilement. C'est pourquoi, aujourd'hui, Photoshop et Instagram sont utilisés pour deux tâches différentes :

  • Photoshop : Pour les professionnels qui veulent éditer des photos de haute qualité avec des retouches poussées
  • Instagram : Pour les amateurs qui veulent éditer et partager de belles photos de tous les jours

 

Un milk-shake peut en cacher un autre

Cet exemple du milk-shake provient des recherches de Clayton Christensen, le fondateur du principe de jobs to be done. Il explique le principe fondamental sur lequel doit reposer votre réflexion : comprendre l'émergence des jobs dans la vie des gens. C'est-à-dire d'où viennent leurs comportements ? Qu'est ce qui les pousse à agir ? En l'occurrence, il s'agit d'une entreprise de restauration rapide qui souhaitait augmenter ses ventes de milk-shakes. Sur la base de discussions et tests avec leurs clients, ils ont ainsi proposé de nouveaux goûts, de nouvelles textures, des nouvelles couleurs etc.

Résultat : aucun impact sur les ventes. Ils ont alors réalisé des entretiens avec les clients. Et ils se sont rendus compte que les gens consommaient des milk-shakes davantage le matin, et en plus pour une raison surprenante. En effet, il s'avère que les clients préféraient les milk-shakes aux bagels et autres beignets. Pourquoi ? Parce que c'est facile et pratique à manger en voiture. Ça n'en met pas partout, tout en étant désaltérant et rassasiant. Et c'est précisément dans ce contexte qu'ils le consomment : aspirer un liquide épais à travers une fine paille leur donne quelque chose à faire en conduisant pendant leur trajet ennuyeux, pour se rendre au travail.

L'équation du jobs to be done du milk-shake aux US

Les clients de ce fast-food ne souhaitaient pas forcément un nouveau parfum mais plutôt un milk-shake assez consistant qui soit équivalent à un bon petit déjeuner et qu’ils puissent le consommer facilement en conduisant. L'entreprise a pu alors réagir en créant un milk-shake matinal encore plus épais (pour tenir pendant un long trajet) et plus intéressant (avec des petits morceaux de fruits) que son prédécesseur. Cet exemple démontre ainsi l’importance de comprendre les jobs des clients dans un contexte particulier ; et illustre la manière dont ils peuvent être utilisés pour segmenter un marché. Nous vous invitons à regarder la vidéo (en anglais) pour plus de détails sur cet exemple :

Hilti ou le jobs to be done version BtoB

Hilti est une entreprise spécialisée dans le petit outillage. Elle est aujourd’hui leader mondial de l’outillage électroportatif et de services destinés aux professionnels de la construction, du bâtiment et de l'industrie. À la fin des années 1990, le marché du petit outillage se banalise. Cette évolution est particulièrement dangereuse pour une entreprise positionnée sur le haut de gamme comme Hilti. Les dirigeants pensent d’abord à développer des outils encore plus élaborés, avant de se rendre compte que les clients n’en ont pas besoin. Les entreprises de BTP veulent des outils simples et efficaces.

En revanche, ils remarquent un fait surprenant : leurs clients entretiennent de moins en moins leurs outils. Ils se retrouvent alors avec un parc de matériel dépareillé et en mauvais état. C’est gênant car des outils défectueux peuvent suffire à bloquer un chantier pendant plusieurs jours. Les dirigeants de Hilti font alors un raisonnement jobs to be done en considérant que posséder ses propres outils n’apporte rien à une entreprise de BTP. En revanche, disposer en permanence d’outils adaptés et en bon état faciliterait la vie de leurs clients. Cela pourrait même leur permettre d’améliorer leur productivité.

C’est ainsi que Hilti a développé une offre d’abonnement qui permet à ses clients d’accéder en temps réel à un parc d’outils complet. Si cette diversification peut sembler naturelle pour une entreprise comme Hilti, sa mise en œuvre a nécessité un changement complet de business model. En effet, on ne vend pas de la même manière des outils à l’unité et des contrats de prestation de service. Après avoir testé sa nouvelle offre en Suisse, Hilti l’a déployée dans le monde entier avec succès !

La méthode Jobs to be done, comment s’y prendre ?

La meilleure façon est de formuler et d’exprimer, de la manière la plus limpide et objective qu’il soit, le résultat que souhaite atteindre le client et pour quelles raisons. Ainsi, il faut prendre plusieurs aspects en considération lorsqu’un consommateur achète un produit ou un service.

L’aspect fonctionnel ????

C’est la dimension la plus pragmatique et la plus évidente : c’est la tâche que le client cherche à réaliser. Il suffit de se poser la question suivante : “quelle(s) tâche(s) souhaite réaliser mon client grâce à mon produit ou service ?”. Si je prends l’exemple de la perceuse, le job fonctionnel est tout simplement de faire un trou. Si j’extrapole, il s’agit de faire des trous dans les murs en placo de ma maison, afin de fixer de nouveaux éléments de décoration. En revanche, si je formule ces détails, c’est qu’au préalable, j’ai déjà établi mes personas. C’est le travail préliminaire à réaliser avant tout.

L’aspect émotionnel ❣️

Il s’agit de faire ressortir comment le client se sent par rapport à son problème et perçoit la nouvelle solution. Là aussi, avoir travaillé les personas en amont peut grandement vous aider. Si on reprend notre exemple de perceuse, on peut tout à fait s’imaginer les craintes que ressent votre client bricoleur du dimanche : est-ce que ça va tenir ? si je me trompe, je vais être obligé de boucher le trou… Son job émotionnel serait alors d’être confiant dans la réalisation de ses travaux.

L’aspect social ????

Pour finir, il est primordial d’aborder les perceptions et impacts sociaux. C’est-à-dire comment le client veut être perçu par les autres. Il est vrai que toutes nos décisions intègrent, plus ou moins consciemment, l’effet que l’action produira sur notre entourage. Revenons à notre perceuse. Votre client est primo-accédant. L’achat de sa maison a été réalisé avec sa femme, afin d'accueillir leur deuxième enfant. Ce que souhaite accomplir votre client, c’est bien plus que percer des murs ! On peut ainsi dire que son job social est de montrer à sa femme qu’il maîtrise - un tant soit peu - le bricolage et qu’il saura prendre soin de leur maison. Tout comme de leur famille, qui va bientôt s'agrandir.

Les enseignements qu’on en tire

Grâce à cette méthode, on sait que notre client a besoin :

  • D’un outil simple et pratique : une perceuse sans trop de fonctionnalités.
  • D’un cours niveau débutant ou d’un guide pour lui donner des astuces pour fixer ses meubles.
  • Si en plus on peut lui fournir un outil léger et de quoi l’accrocher à la ceinture, il aura de quoi impressionner sa femme. Et belle-maman au passage.

Il ne vous reste plus qu’à créer une communication qui prenne en compte l’ensemble de ces aspects. Vous obtenez ainsi le dispositif de communication et d’outils que propose Leroy Merlin à ses clients. Vous le connaissez sûrement ?

La méthodologie à adopter

Sur la base des informations extraites lors d’interviews ou d’ateliers par exemple, vous pouvez imaginer une ou plusieurs solutions permettant de répondre au mieux à l’ensemble des facettes du job. En revanche, bien que l’on puisse être à l’écoute de ses clients en allant les interroger pour connaître leurs envies et besoins, cela peut ne pas être suffisant. C’est pourquoi l’approche jobs to be done ne doit pas être uniquement basée sur des interviews, mais dans l'idéal également sur de l’observation. Pour reprendre notre exemple du milk-shake, le job était “Je veux m’occuper pendant mon trajet matinal en voiture pour aller au travail, tout en évitant le petit creux de 10 heures”. Cela a pu être mis en évidence grâce à plus de 20 heures d’observation des clients de la marque de fast-food et en posant des questions différentes.

Jobs to be done : enseignements et limites

Au travers des exemples que nous avons évoqués, nous avons pu constater que cette méthode est très inspirante. Elle permet de se placer au plus proche de l’attente de l'utilisateur et de prendre du recul par rapport au produit ou au service. En ce sens, elle est fondamentalement user-centric. D’autre part, elle aura tendance à favoriser l’innovation et la différenciation. Néanmoins, il peut y avoir un risque que le job prenne le pas sur l’individu. Dans un contexte d’expériences toujours plus personnalisées, le fait de se concentrer sur le job peut engendrer le risque de perdre de vue la singularité de l’utilisateur et de son contexte d’utilisation. Et ainsi de proposer une expérience aseptisée. Pour pallier à cette limite, nous recommandons d'envisager cette approche en lien étroit avec l’élaboration de personas, pour lequel nous avons rédigé un article complet. N'hésitez pas à compléter cette lecture avec l'article de Clayton Christensen et de ses co-auteurs (2016 - Harvard Business Review).

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